lundi 24 mai 2010

Face à la récession et à la régression en Europe, il est urgent d’inventer "une nouvelle voie" pour l’émancipation politique. Ce que serait «ma» gauche

4632319488_edcc0a4fca_m

Edgar Morin, sociologue et philosophe

Le Monde - 23 mai 2010

La gauche. J’ai toujours répugné ce la unificateur qui occulte les différences, les oppositions, et les conflits. Car la gauche est une notion complexe, dans le sens où ce terme comporte en lui, unité, concurrences et antagonismes. L’unité, elle est dans ses sources: l’aspiration à un monde meilleur, l’émancipation des opprimés, exploités, humiliés, offensés, l’universalité des droits de l’homme et de la femme. Ces sources, activées par la pensée humaniste, par les idées de la Révolution française et par la tradition républicaine, ont irrigué au XIXe siècle la pensée socialiste, la pensée communiste, la pensée libertaire.

Le mot «libertaire» se centre sur l’autonomie des individus et des groupes, le mot «socialiste» sur l’amélioration de la société, le mot «communiste» sur la nécessité de la communauté fraternelle entre les humains. Mais les courants libertaires, socialistes, communistes sont devenus concurrents. Ces courants se sont trouvés aussi en antagonismes, dont certains sont devenus mortifères, depuis l’écrasement par un gouvernement social-démocrate allemand de la révolte spartakiste, jusqu’à l’élimination par le communisme soviétique des socialistes et anarchistes.

Les fronts populaires, les unions de la Résistance n’ont été que des moments éphémères. Et après la victoire socialiste de 1981, un baiser de la mort, dont François Mitterrand a été l’habilissime stratège, a asphyxié le Parti communiste.

Voilà pourquoi j’ai toujours combattu le la sclérosant et menteur de la gauche, tout en reconnaissant l’unité des sources et aspirations. Les aspirations à un monde meilleur se sont toujours fondées sur l’oeuvre de penseurs. Les Lumières de Voltaire et Diderot, jointes aux idées antagonistes de Rousseau, ont irrigué 1789. Marx a été le penseur formidable qui a inspiré à la fois la social-démocratie et le communisme, jusqu’à ce que la social-démocratie devienne réformiste. Proudhon a été l’inspirateur d’un socialisme non marxiste. Bakounine et Kropotkine ont été les inspirateurs des courants libertaires.

Ces auteurs nous sont nécessaires mais insuffisants pour penser notre monde. Nous sommes sommés d’entreprendre un gigantesque effort de repensée, qui puisse intégrer les innombrables connaissances dispersées et compartimentées, pour considérer notre situation et notre devenir dans notre Univers, dans la biosphère, dans notre Histoire.

Il faut penser notre ère planétaire qui a pris forme de globalisation dans l’unification techno-économique qui se développe à partir des années 1990. Le vaisseau spatial Terre est propulsé à une vitesse vertigineuse par les quatre moteurs incontrôlés science-technique-économie profit. Cette course nous mène vers des périls croissants : turbulences crisiques et critiques d’une économie capitaliste déchaînée, dégradation de la biosphère qui est notre milieu vital, convulsions belliqueuses croissantes coïncidant avec la multiplication des armes de destruction massive, tous ces périls s’entre-développant les uns les autres.

Nous devons considérer que nous sommes présentement dans une phase régressive de notre histoire. Le « collapse » du communisme, qui fut une religion de salut terrestre, a été suivi par le retour irruptif des religions de salut céleste ; des nationalismes endormis sont entrés en virulence, des aspirations ethno-religieuses, pour accéder à l’Etat-nation, ont déclenché des guerres de sécession.

Considérons la grande régression européenne. D’abord relativisons-la, car ce fut un grand progrès que l’émancipation des nations soumises à l’URSS. Mais l’indépendance de ces nations a suscité un nationalisme étroit et xénophobe. Le déferlement de l’économie libérale a surexcité à la fois l’aspiration aux modes de vie et consommations occidentales et la nostalgie des sécurités de l’époque soviétique, tout en maintenant la haine de la Russie. Aussi les idées et les partis de gauche sont au degré zéro dans les ex-démocraties populaires.

A l’Ouest, ce n’est pas seulement la globalisation qui a balayé bien des acquis sociaux de l’après-guerre, en éliminant un grand nombre d’industries incapables de soutenir la concurrence asiatique, en provoquant les délocalisations éliminatrices d’emplois; ce n’est pas seulement la course effrénée au rendement qui a «dégraissé »les entreprises en expulsant tant d’employés et ouvriers ; c’est aussi l’incapacité des partis censés représenter le monde populaire d’élaborer une politique qui réponde à ces défis. Le Parti communiste est devenu une étoile naine, les mouvements trotskistes, en dépit d’une juste dénonciation du capitalisme, sont incapables d’énoncer une alternative. Le Parti socialiste hésite entre son vieux langage et une «modernisation» censée être réaliste, alors que la modernité est en crise.

Plus grave encore est la disparition du peuple de gauche. Ce peuple, formé par la tradition issue de 1789, réactualisée par la IIIe République, a été cultivé aux idées humanistes par les instituteurs,par les écoles de formation socialistes, puis communistes, lesquelles enseignaient la fraternité internationaliste et l’aspiration à un monde meilleur. Le combat contre l’exploitation des travailleurs, l’accueil de l’immigré, la défense des faibles, le souci de la justice sociale, tout cela a nourri pendant un siècle le peuple de gauche, et la Résistance sous l’Occupation a régénéré le message.

Mais la dégradation de la mission de l’instituteur, la sclérose des partis de gauche, la décadence des syndicats ont cessé de nourrir d’idéologie émancipatrice un peuple de gauche dont les derniers représentants, âgés, vont disparaître. Reste la gauche bobo et la gauche caviar. Et alors racisme et xénophobie, qui chez les travailleurs votant à gauche ne s’exprimaient que dans le privé, rentrent dans la sphère politique et amènent à voter désormais Jean-Marie Le Pen. Une France réactionnaire reléguée au second rang au XXe siècle, sauf durant Vichy, arrive au premier rang, racornie, chauvine, souverainiste.

Elle souhaite le rejet des sans-papiers, la répression cruelle des jeunes des banlieues, elle exorcise l’angoisse des temps présents dans la haine de l’islam, du Maghrébin, de l’Africain, et, en catimini, du juif, en dépit de sa joie de voir Israël traiter le Palestinien comme le chrétien traitait le juif.

La victoire de Nicolas Sarkozy fut due secondairement à son astuce politique, principalement à la carence des gauches. Sous des formes différentes, même situation en Italie, en Allemagne, en Hollande, pays de la libre-pensée devenant xénophobe et réactionnaire. La situation exige à la fois une résistance et une régénération de la pensée politique.

Il ne s’agit pas de concevoir un «modèle de société» (qui ne pourrait qu’être statique dans un monde dynamique), voire de chercher quelque oxygène dans l’idée d’utopie. Il nous faut élaborer une Voie,qui ne pourra se former que de la confluence de multiples voies réformatrices, et qui amènerait,s’il n’est pas trop tard, la décomposition de la course folle et suicidaire qui nous conduit aux abîmes.

La voie qui aujourd’hui semble indépassable peut être dépassée. La voie nouvelle conduirait à une métamorphose del ’humanité : l’accession à une société-monde de type absolument nouveau. Elle permettrait d’associer la progressivité du réformisme et la radicalité de la révolution. Rien n’a apparemment commencé. Mais dans tous lieux,pays et continents, y compris en France, il y a multiplicité d’initiatives de tous ordres, économiques, écologiques, sociales, politiques, pédagogiques, urbaines, rurales, qui trouvent des solutions à des problèmes vitaux et sont porteuses d’avenir. Elles sont éparses, séparées, compartimentées, s’ignorant les unes les autres… Elles sont ignorées des partis, des administrations, des médias. Elles méritent d’être connues et que leur conjonction permette d’entrevoir les voies réformatrices.

Comme tout est à transformer, et que toutes les réformes sont solidaires et dépendantes les unes des autres, je ne peux ici les recenser, cela sera le travail d’un livre ultérieur, peut-être ultime. Indiquons seulement ici et très schématiquement les voies d’une réforme de la démocratie.

La démocratie parlementaire, si nécessaire soit-elle, est insuffisante. Il faudrait concevoir et proposer les modes d’une démocratie participative, notamment aux échelles locales. Il serait utile en même temps de favoriser un réveil citoyen, qui lui-même est inséparable d’une régénération de la pensée politique, ainsi que de la formation des militants aux grands problèmes. Il serait également utile de multiplier les universités populaires qui offriraient aux citoyens initiation aux sciences politiques, sociologiques, économiques.

Il faudrait également adopter et adapter une sorte de conception néo confucéenne, dans les carrières d’administration publique et les professions comportant une mission civique (enseignants, médecins), c’est-à-dire promouvoir un mode de recrutement tenant compte des valeurs morales du candidat, de ses aptitudes à la «bienveillance » (attention à autrui), à la compassion, de son dévouement au bien public, de son souci de justice et d’équité.

Préparons un nouveau commencement en reliant les trois souches (libertaire, socialiste, communiste), en y ajoutant la souche écologique en une tétralogie. Cela implique évidemment la décomposition des structures partidaires existantes, une grande recomposition selon une formule ample et ouverte, l’apport d’une pensée politique régénérée.

Certes, il nous faut d’abord résister à la barbarie qui monte. Mais le «non» d’une résistance doit se nourrir d’un «oui» à nos aspirations. La résistance à tout ce qui dégrade l’homme par l’homme, aux asservissements, aux mépris,aux humiliations, se nourrit de l’aspiration, non pas au meilleur des mondes, mais à un monde meilleur. Cette aspiration, qui n’a cessé de naître et renaître au cours de l’histoire humaine, renaîtra encore.

jeudi 25 février 2010

Présentation de la Picardie (source : INSEE)

La Picardie compte 1,898 million d’habitants au 1er janvier 2007 ; elle se situe au 12e rang des régions métropolitaines. La population continue de s’accroître mais à un rythme faible : si la natalité reste supérieure à la moyenne nationale, le déficit migratoire apparu pour la première fois au cours des années quatre-vingt-dix, s’aggrave depuis 1999.
L’appareil productif est dominé par l’industrie et les grandes cultures agricoles. L’industrie induit 23 % de la valeur ajoutée picarde contre 16 % pour la France métropolitaine. Comme dans les autres régions du Bassin parisien, l’appareil industriel est très majoritairement sous le contrôle de grands groupes français ou étrangers. Grâce à ses grandes exploitations à rendements élevés, l’agriculture est l’une des plus productives de France et d’Europe. La Picardie contribue notamment pour plus du tiers à la production de betteraves, pour le quart à celle de pommes de terre et pour 17 % à celle de légumes à cosse (petits pois, haricots). Le commerce et les services marchands représentent 45 % de la valeur ajoutée contre 54 % en France métropolitaine.
La fin des années quatre-vingt-dix constitue un tournant dans l’économie picarde dont la croissance prend du retard par rapport à la métropole. En raison d’un faible niveau de formation, le chômage reste supérieur à celui de la métropole avec des disparités entre le nord et le sud de la région. Dans l’Oise, le chômage est inférieur à la moyenne nationale dans presque toutes les zones d’emploi grâce à proximité de l’Ile-de-France. En revanche, dans l’Aisne et la Somme, le chômage est accentué par les difficultés de certains tissus productifs.
Les élections régionales de 2004
En 2004, 3 listes se sont maintenues au second tour du scrutin : la liste conduite par Michel Guiniot (Front national) a emporté 8 sièges au conseil régional avec 18,66% des suffrages exprimés, la liste conduite par Gilles de Robien (liste de droite) 15 sièges avec 35,76% des suffrages exprimés et celle conduite par Claude Gewerc (liste de gauche) 34 sièges avec 45,58% des suffrages exprimés

23953_1286385892081_1603185072_30707616_7316345_a

dimanche 7 février 2010

UPP la formation professionnelle d’Amiens

 

Compte-rendu de l'équipe de Désirs d'avenir Picardie

Nous avons organisé cette UPP car par le temps de crise que nous connaissons, il nous a paru qu’un des éléments important pour les aider les salariés à se diriger dans leur vie professionnelle est la formation. Nous avons eu des intervenants et un débat de qualité et il nous apparait qu’une UPP plus large, avec une envergure nationale devrait s’organiser pour prendre le temps et dessiner des perspectives. Pour autant dans ce petit compte rendu sommaire nous pouvons déjà apprécier le travail.

Intervention de Dominique Maréchal responsable à la Direction de l’Education Permanente de l’Université de Picardie Jules Verne

Il nous dresse le portrait du formateur et présente le .Diplôme Universitaire de Formateur d’Adultes

La formation professionnelle continue est financée par l’’Etat, les Régions et les entreprises. Le métier de formateur a véritablement pris son essor après la loi de 1971 instaurant celle-ci. Les activités exercées par le formateur sont caractérisées par une grande hétérogénéité tant dans le champ d’intervention des organismes que dans les identités professionnelles et les statuts des formateur eux-mêmes (caractérisés par une précarité, ce qu’on peut déplorer). L’analyse du métier distingue un cœur de métier constitué par des compétences pédagogiques fondamentales et des compétences associées : le formateur est amené à : concevoir mettre en œuvre et évaluer des séquences de formation, répondre a des appels d’offres, accueillir et accompagner les personnes. En fonction des postes occupés, la connaissance pointue d’un contenu et la maîtrise de l’informatique sont nécessaires. Le formateur est membre d’un équipe pédagogique, il assure une veille (pédagogique et juridique) et entretient des relations avec l’environnement socio-économique et institutionnel. Il doit faire preuve d’adaptation, de qualités relationnelles et de capacités à réfléchir sur soi et se remettre en cause. Dans notre formation, l’accent est mis sur l’Educabilité cognitive et la médiation pédagogique afin d’ optimiser la relation avec l’apprenant et mettre celui-ci en posture lui permettant « d’apprendre à apprendre ».

Intervention de Nordine Boudjema TDIE Escapade

Nordine Boudjema nous livre son expérience de vie, animateur de rue pendant 37 ans, il constate qu’un minimum de bagages est nécessaire pour se créer les bases de la réussite. Ce reconvertir vaste débat dans un monde en perpétuelle mutation. Il se désole que l’ANPE, maintenant Pôle emploi n’est plus des prospecteurs placiers, qui pouvaient orienter les personnes en fonction des besoins des entreprises. Formation oui mais concrètement pour quoi faire ? Dans son association l’élément de départ a été la course, le fait de redonner confiance aux jeunes parce qu’ils gagnaient, lui a permis de rebondir sur les sujets de la vie quotidienne, s’ils réussissaient dans le sport ils pouvaient aussi réussir dans leur vie. Redonner confiance, redonner l’envie de se battre, reconnaitre les savoirs faire, préparer le candidat à vendre ses compétences, ses capacités. Se remettre dans le circuit, devenir mobile polyvalent, choisir réellement sa qualification professionnelle, se « rebrancher » dans le circuit voila aussi le challenge pour les jeunes des quartiers et le travail des associations de terrain est fondamental dans ce domaine. Pour autant les fonds, les financements se font rares et les associations perdent des moyens d’actions.

Intervention de Florence Augier, Pôle emploi

Malgré les dire du gouvernement le conseiller du pôle emploi doit assurer le suivi de 250 demandeurs d’emploi alors que l’idéal et le contrat est de 60. Comment assurer un suivi mensuel personnalisé de qualité dans ces conditions ? Par ailleurs se pose aussi le problème de la sous traitance auprès d’entreprises privées, et là le critères de l’économie se rélève faux, en effet ! Le coût du suivi est de 800 euros pour le pôle emploi, alors qu’il revient à 2500 euros par une entreprise privée. Le « copinage » semble être finalement la marque de fabrique de se gouvernement. Elle insiste sur l’importance de la relation avec les entreprises, connaitre leur besoin afin de déterminer l’adéquation avec les demandeurs d’emplois. Pour elle la case formation, même si ce n’est pas la priorité pour le pôle emploi, est souvent nécessaire, souvent restructurant pour le demandeur d’emploi, et lui permet de valider aussi ses acquis. Pour autant si c’est un atout, cela est aussi pour d’autre une perte de temps, l’urgence étant le retour à l’emploi.

Nous en venons au débat (milles excuses c’est un simple résumé )

Importance de mettre en place la « Sécurité Sociale Professionnelle » et nécessité que la formation reste une compétence locale de la Région et non de l’Etat. C’est sur le terrain que l’on peut détecter les besoins des entreprises et donc d’assurer les formations adéquates au bassin d’emploi.

Pour les petites et moyennes entreprises l’idée de mutualiser les formations semble être aussi un atout et une réponse au frein que représente la formation pour les entreprises. Importance de faire connaitre leurs droits aux salariés, nouvelle mentalité à créer, tant pour les salariés que pour les employeurs, et les syndicats ont toute leur place à jouer dans ce domaine. Idée de créer un bilan formation dans la même idée que l’entretien annuel : quelle formation a le salariés ? En a-t-il besoin ? Si oui laquelle ? Mon entreprise change que faire en termes de formation ? Prévention des accidents de la vie…… En effet on constate aussi la peur du salarié de demander une formation, c’est compliqué à mettre en place, et souvent le simple fait de demander est vécu comme une épreuve. Problème de la qualité de la formation : quels moyens d’évaluation, les formations proposées sont elles en adéquation avec les besoins ? Crédibilité des organismes de formation, pour certains ne sont ils pas là uniquement pour les finances ? Que font les politiques dans ce domaine ? se penchent ils sérieusement dessus ?

Kamel Chibli intervient

Ce sujet mérite une UPP au niveau national. Quelques pistes de travail : Comment garder l’emploi de mono-industries dans notre pays ? Impulser l’innovation et la recherche qui sont la création des emplois de demain Valoriser les circuits professionnels de l’éducation nationale. Recadrage des fonds des Régions avec suivi et évolutions .Financement des Missions Locales.

En résumé : Le sujet de la formation professionnelle est vaste et important, il touche beaucoup de domaines. Pour autant il nous apparait que nous devons y travailler, y consacrer du temps, afin de permettre aux salariés les adaptations nécessaires que notre époque exige.